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France

La Chine peut-elle tomber dans le piège de la déflation ?

Alors que le monde entier se bat contre l’inflation, la Chine est entré le mois dernier en déflation, c’est-à-dire dans une période de baisse des prix des biens et des services. Une première depuis 2021 pour la deuxième économie mondiale, qui n’augure pas de bonnes nouvelles pour le pouvoir d’achat. Décryptage.

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Prendre son petit-déjeuner dans un restaurant pour l’équivalent de moins de 40 centimes d’euros, c’est désormais possible à Pékin. Pour la première fois depuis plus de deux ans, la Chine est entrée en déflation le mois dernier, c’est-à-dire dans une période de baisse des prix des biens et des services, à contre-courant des principales économies mondiales.

L’indice des prix à la consommation, qui était stable en juin, est en baisse de 0,3  % sur un an en juillet, a annoncé mercredi 9 août le Bureau national des statistiques chinois, après une inflation nulle un mois plus tôt. À titre comparatif, l’inflation était de 4,5 % en France en juin et de 3 % aux États-Unis.

Les prix du porc et de l’auto

Alors que le reste du monde lutte contre l’inflation, la Chine, de son côté, se bat contre de sérieux problèmes économiques depuis sa sortie de la politique “zéro Covid”. “La levée des restrictions imposées par le Covid-19 a donné un coup de fouet à l’économie chinoise et il y avait un certain espoir que cela se poursuive”, analyse Astrid Nordin, professeure au Lau China Institute, au sein du King’s College de Londres. “Beaucoup d’entreprises ont reconstitué leurs stocks afin d’être prêtes pour répondre à la hausse attendue de la demande. Mais nous constatons que cet élan est en train de s’estomper. Aujourd’hui, les entreprises sont contraintes de se débarrasser de leurs stocks à moindre coût.”

Si les prix à la consommation ont baissé le mois dernier, c’est principalement en raison d’un ralentissement de la hausse des prix des denrées alimentaires – en particulier du porc, la viande la plus consommée dans le pays, en raison d’une faible consommation conjuguée à une offre élevée. Autre secteur concerné : l’automobile. “Il y a une guerre des prix de l’automobile, et en particulier des prix des véhicules électriques”, explique Jean-François Di Meglio, président d’Asia Centre et professeur à l’Université Paris-Dauphine. “C’est une composante non négligeable de l’indice des prix.”

Sur le papier, cette baisse des prix peut sembler bonne pour le pouvoir d’achat des Chinois, mais la déflation menace la reprise. Au lieu de dépenser, les consommateurs retardent leurs achats en espérant de nouvelles réductions. Leurs dépenses restent par ailleurs limitées, compte tenu de la faible augmentation des salaires et des allocations depuis la levée des restrictions du Covid-19, mais également de la saturation du marché du travail.

Spirale déflationniste

Sans boule de cristal, il est difficile de prédire si la Chine s’engage dans le piège de la spirale déflationniste. La baisse des prix actuelle est “inégalement répartie et relativement faible à ce stade”, tempère Jean-François Di Meglio. “On ne peut pas exclure que la Chine entre dans une spirale déflationniste. Mais c’est encore trop tôt pour l’affirmer.”

L’expert préfère parler d’”inflation négative”, car la déflation est un “phénomène vraiment systémique”, comme au Japon dans les années 1990. “Pendant dix ans, la Banque du Japon a imprimé de l’argent, mais cet argent ne repartait ni dans l’immobilier, ni dans la consommation”, relate l’expert, qui parle de “trappe à liquidités”, une situation au cours de laquelle de l’argent est injecté pour tenter de relancer l’économie. “La spirale déflationniste a été très virulente.”

Pour éviter d’entrer dans le même cercle vicieux que son voisin japonais, de nombreux économistes préconisent un plan de relance en Chine. “La seule façon de sortir de la déflation serait d’injecter massivement des liquidités dans l’infrastructure”, selon Jean-François Di Meglio, c’est-à-dire les routes, les aéroports ou les lignes TGV. “C’est quelque chose que les Chinois savent très bien faire, puisque toute une partie de l’économie est contrôlée par le secteur public.”

Après la crise financière mondiale de 2008, la Chine avait ainsi investi 4 000 milliards de yuans (soit 586 milliards d’euros au taux de change de l’époque) pour stimuler l’activité. Ce vaste plan de redressement avait permis de développer significativement les infrastructures, au risque de multiplier les projets inutiles et d’alourdir la dette.

Réduction de l’inflation en Europe ?

Mais aujourd’hui, Pékin préfère s’en tenir à des mesures ciblées et à des déclarations d’intention concernant le secteur privé, sans résultats concluants. Pour Jean-François Di Meglio, “si l’État refuse de faire un plan de relance, c’est parce que la bulle immobilière a explosé la dernière fois qu’il en a lancé un. Cette crise de l’immobilier s’est transformée en crise de confiance. Les autorités ne veulent surtout pas que cela se reproduise.”

À court terme, la baisse des prix en Chine pourrait avoir un impact positif pour l’économie mondiale, selon Astrid Nordin, “du moins pour les pays qui luttent actuellement contre l’inflation”. “Je pense que cette situation pourrait être bénéfique pour les Européens et, dans une certaine mesure, les Américains”, analyse-t-elle. “Si la baisse des prix se répercute sur les exportations, ce qui n’est pas improbable, les consommateurs européens qui luttent contre ce que nous appelons une ‘crise du coût de la vie’ pourraient se fournir en produits moins chers, ce qui pourrait ainsi réduire certaines pressions inflationnistes.”

Mais à long terme, elle pourrait représenter une menace, avec des effets en cascade : “Pour s’aligner sur des prix plus bas, les pays qui importent beaucoup de marchandises de Chine voudront aussi baisser leurs prix”, explique l’experte. Pour aligner leurs prix, les entreprises pourraient ainsi avoir recours à “des licenciements de personnel, mais aussi un gel ou une baisse des salaires, et une réduction de la production.”

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