trois magistrats ciblés par le ministre veulent témoigner
Les avocats de trois des magistrats ciblés par Éric Dupond-Moretti à son arrivée à la Chancellerie ont annoncé dans un communiqué vendredi avoir demandé à être entendus comme témoins lors du procès du ministre pour conflits d’intérêts.
La Cour de cassation a confirmé le 28 juillet le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) du garde des Sceaux pour prise illégale d’intérêts.
Il est soupçonné d’avoir profité de sa fonction de ministre pour régler des comptes avec quatre magistrats auxquels il s’était opposé quant il était avocat.
Les « victimes des délits de prise illégale d’intérêts »
Mes Marie Lhéritier et François Saint-Pierre, avocats de trois d’entre eux, ont demandé dans un courrier mardi à Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, que leurs clients, Ulrika Delaunay-Weiss, Patrice Amar et Édouard Levrault soient entendus en qualité de témoins.
Ces magistrats « sont en effet les victimes des délits de prise illégale d’intérêts dont Éric Dupond-Moretti est accusé » et leurs témoignages sont « essentiels à la manifestation de la vérité ».
Or, rappellent les deux avocats, la loi « interdit aux victimes des délits commis par un ministre de se constituer partie civile à l’audience ».
Ils pourront seulement solliciter des dommages intérêts devant le tribunal.
Des enquêtes administratives en représailles
Deux enquêtes administratives contre quatre magistrats valent au garde des Sceaux un renvoi devant la CJR, seule habilitée à juger des membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.
La première, en septembre 2020, visait Ulrika Delaunay-Weiss et Patrice Amar, procureurs au parquet financier, et leur cheffe, Éliane Houlette.
Ulrika Delaunay-Weiss et Patrice Amar avaient fait éplucher les factures téléphoniques détaillées (fadettes) d’Éric Dupond-Moretti, alors avocat, pour débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé l’ex-président Nicolas Sarkozy qu’il était sur écoutes dans une affaire de corruption.
« Éric Dupond-Moretti avait déposé plainte contre eux et les avait menacés de “mettre un grand coup de pied dans la fourmilière” », soulignent Mes Lhéritier et Saint-Pierre.
Le ministre dans une « situation objective de conflit d’intérêts »
La seconde concernait Édouard Levrault, ancien juge d’instruction détaché à Monaco, qui avait mis en examen un des clients de Me Dupond-Moretti. Ce dernier avait critiqué des méthodes de « cow-boy ».
Ulrika Delaunay-Weiss n’avait finalement pas été poursuivie. Éliane Houlette, Patrice Amar et Édouard Levrault avaient été mis hors de cause par le Conseil supérieur de la magistrature.
Dans ses décisions, l’organe disciplinaire des magistrats avait estimé que le ministre « s’était “trouvé dans une situation objective de conflit d’intérêts” », rappellent les deux avocats.
Éric Dupond-Moretti a répété n’avoir fait que « suivre les recommandations de son administration » en lançant ces enquêtes administratives.
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