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France

“Une volonté politique de mettre sous cloche les témoignages” des citoyens

Cinq ans après le début du mouvement des Gilets jaunes, la députée écologiste Marie Pochon souhaite porter le combat de citoyens pour la publication en ligne des cahiers de doléances rédigés à l’occasion du grand débat national. Il s’agissait à l’époque d’une promesse d’Emmanuel Macron.

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“La plus grande initiative démocratique d’expression libre engagée dans notre histoire.” La députée de la Drôme, Marie Pochon (Europe Écologie-Les Verts), n’a pas peur des superlatifs quand il s’agit d’évoquer les cahiers de doléances rédigés par les Français en 2018 et 2019 à l’occasion du grand débat national. “Un trésor national” qu’il faut rendre accessible aux citoyens, affirme-t-elle à France 24, vendredi 17 novembre, cinq ans jour pour jour après l’acte I des Gilets jaunes.

Avec l’association citoyenne Rendez les doléances !, des chercheurs et des maires ruraux, la députée entend se battre pour obtenir la mise en ligne sur une plateforme en open data des plus de deux millions de contributions rédigées sur le site du grand débat national et des près de 20 000 cahiers de doléances disponibles à l’époque dans les mairies.

“C’est une promesse non tenue par le président de la République. Au moment du lancement du grand débat national, qui fait suite à une opération ‘mairie ouverte’ par les maires ruraux, Emmanuel Macron s’était engagé à avoir un débat ouvert, à ce qu’il y ait de la transparence et à rendre public l’ensemble des contributions des citoyens, rappelle Marie Pochon. Des personnes qui s’expriment peu d’habitude ont fait l’effort de se rendre dans leur mairie pour exprimer leur colère, leur désarroi ou proposer des solutions. Il est temps de rendre aux Français ce qu’ils ont eux-mêmes produits il y a cinq ans.”

Plus de 95 % de ces cahiers de doléances ont déjà été numérisés par la Bibliothèque nationale de France, tandis que les versions manuscrites dorment dans les archives départementales, où elles sont en théorie accessibles à tout un chacun. Mais dans la pratique, cela s’avère beaucoup plus difficile.

“Il faut passer par des dérogations multiples et être opiniâtre. J’imagine qu’il y a des consignes pour restreindre l’accessibilité à ces archives afin de protéger la vie privée des gens”, témoigne l’historien Guillaume Mazeau, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste de la Révolution française, qui a également travaillé sur les cahiers de doléances du grand débat national.

L’enjeu de l’anonymat

La question de l’anonymat est au cœur de la problématique liée à la publication de ces cahiers. Des noms, des adresses postales, des adresses électroniques, des numéros de téléphone apparaissent. Et même lorsqu’ils n’ont pas signé, les auteurs de certaines contributions peuvent être identifiés car ils ont livré beaucoup d’eux-mêmes dans leurs récits.

“Le gouvernement avait pris la décision à l’époque de ne pas publier les cahiers en avançant un argument technique, expliquant que l’anonymisation des contributions coûterait trop cher. Mais on parle de 100 000 euros ou 150 000 euros, selon les datascientists qui ont travaillé à leur numérisation. C’est une broutille. L’argument financier ne tient pas”, affirme Marie Pochon.

Pour la députée écologiste, “c’est un sujet politique”. “Il y a une sorte de crainte à rouvrir le couvercle de cette boîte de Pandore qu’ont été les cahiers de doléances, juge-t-elle. Il y a une volonté politique de mettre sous cloche ces témoignages et ces écrits pour ne plus en parler.”

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Seule une dizaine de chercheurs y ont accès actuellement, dont Sabine Ploux, chercheuse au CNRS, qui effectue une analyse sémantique de leur contenu. Selon elle, les cahiers de doléances sont “sous-exploités” et doivent être mis en ligne. “Les gens ont fait un vrai effort de participation. C’est normal qu’ils aient un retour”, dit-elle.

Son analyse croise le contenu des contributions avec leur origine géographique. “L’idée, c’est de relier la parole citoyenne avec son lieu d’expression. On ne dit pas la même chose dans les petites communes que dans les grandes et on n’écrit pas non plus la même chose dans les mairies que sur la plateforme du grand débat national”, souligne la chercheuse.

“Les cahiers de doléances, un symbole de la prise de parole collective”

C’est une population beaucoup plus rurale et plus âgée qui s’est ainsi exprimée dans les cahiers de doléances, avec une surreprésentation de thèmes comme les pensions de retraite, l’accès aux soins, la mobilité ou encore la fin de vie.

“C’est touchant car les contributeurs ont pris la parole pour raconter leur parcours de vie et disent des choses très intimes”, raconte Sabine Ploux.

“C’est souvent une vraie souffrance qui s’exprime”, abonde Guillaume Mazeau, pour qui ne pas publier ces cahiers de doléances serait une forme de “trahison”.

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“Faire référence aux cahiers de doléances, c’est un symbole de la prise de parole collective. Et même si l’importance historique des cahiers de 2019 est beaucoup moins grande que ceux de 1789 car il n’y avait pas, à l’époque, d’occasion de s’exprimer, c’est un corpus qui a son importance. Et refuser de rendre publique cette consultation entretient l’idée qu’on confisque et qu’on cache la parole”, juge l’historien.

“Alors que notre démocratie est fragilisée et que la défiance des citoyens vis-à-vis de la classe politique se creuse, on a le devoir de renouer le lien et de porter leur voix”, affirme pour sa part la députée Marie Pochon.

Pour obtenir gain de cause, elle espère convaincre des députés, allant de La France insoumise à gauche aux Républicains à droite, de voter une résolution transpartisane à l’Assemblée nationale afin de mettre la pression sur le gouvernement. Le texte devrait être déposé au premier semestre 2024.

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